juin 2011
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Éditorial | Philippe Michel |
Assemblée générale 2010 | Ph. Michel |
Résumé d’exposés de la journée GUTenberg | Maxime Chupin, Jean-Michel Hufflen, Manuel Pégourié-Gonnard |
La fonte du jour : KP-fonts | Jacques André |
Notes de lecture | Christian Laucou, Jacques André, Maxime Chupin, Thierry Bouche |
Éditorial
Il y a trente-quatre années, Donald Knuth créait TeX. LaTeX a suivi, huit ans plus tard, en 1985. Ces deux bases sont toujours présentes dans les machines que nous utilisons en 2011. Peu de programmes ou de systèmes d’exploitation, mis à part Unix, peuvent se prévaloir d’une telle ancienneté. On peut en déduire, à juste titre, que ces fondations sont solides, validées par le temps. D’ailleurs les corrections apportées au noyau sont rares. Mais en ces temps lointains, on imprimait en noir et blanc avec peu d’illustrations, les liens hypertextes n’existaient pas hors de quelques laboratoires pionniers, et surtout les systèmes d’exploitation ne géraient pas ou très mal les polices. Bien sûr des utilisateurs aguerris ont écrit des extensions pour tout ça mais il est sensible à l’usage que ce ne sont que des rustines, de très bonne qualité mais rustines quand même, posées sur une base parfois un peu vieillotte.
Je ne veux pas dire que notre outil actuel est celui écrit par Knuth ou Lamport. Bien des progrès ont été réalisés qui me permettent de faire à peu près ce que je veux. Je peux même incorporer des vidéos dans mes présentations, un concept inexistant dans les années 1980. Mais toute personne qui a essayé d’utiliser une police actuelle présente sur son ordinateur avec LaTeX est bien obligée de reconnaître que ce n’est pas aussi naturel et simple que ça devrait l’être. Et je ne parle pas de l’interface qui, même avec les éditeurs de texte modernes dédiés à TeX, peut rebuter un débutant.
Ce qui n’évolue pas meurt. Cette loi de la nature est vraie aussi en informatique. Et il serait dommage que, pour une interface un peu trop austère et quelques difficultés pour écrire en couleur, on abandonne un outil tel que LaTeX. D’autant plus que des progrès réels existent : XeTeX ou LuaTeX permettent d’utiliser toutes les polices, variantes comprises, présentes sur votre ordinateur plus simplement qu’avec un traitement de texte et ce n’est qu’un exemple.
Mais qui réalise ces gros développements ? Ce n’est plus la simple écriture d’un package mais la réécriture complète du noyau dont il s’agit, d’une réflexion nouvelle sur l’interface. Un travail pareil ne peut pas être réalisé sur son temps libre par un amateur aussi talentueux soit-il. Comme tous les gros projets dans le monde du logiciel libre, il faut une structure solide, avec même des salariés si besoin. Prenez comme exemple les grandes distributions GNU/Linux, Firefox ou OpenOffice, quasiment toutes appuyées sur des sociétés commerciales ou des fondations.
Dans l’univers TeX, ce sont les associations d’utilisateurs, comme TUG aux États-Unis, Dante en Allemagne, NTG aux Pays-Bas ou GUTenberg en France, pour ne citer que les plus importantes, qui jouent ce rôle avec de plus en plus de difficultés.
Sans ces associations, TeX ne sera plus qu’un dinosaure écrasé par des programmes incapables d’écrire une équation correctement ou de réaliser une mise en page présentable. À vous de choisir.
Philippe Michel
– Membre du CA